Savez-vous qu’à Ciney, 29 noms de rues portent le patronyme d’hommes, et aucune plaque de rues ne porte le nom d’une femme ? Cette constatation faite à Ciney n’a rien d’extraordinaire. Les rues nommées en l’honneur d’une femme sont minoritaires quel que soit le pays. Et le constat est encore plus flagrant au niveau rural. Les noms de rues sont avant tout le reflet du passé mais surtout du pouvoir et du courant politique dominant à un moment donné : les noms de bourgmestres ou hommes politiques, des industriels, professeurs universitaires émérites, de personnes victorieuses ou militantes, ou encore de personnes célèbres de l’époque, comme en témoignent à Ciney, la rue Nicolas Ansiaux ou la rue Nicolas Hauzeur, la rue Léon Simon, la rue Edouard Dinot, le square Kennedy, l’avenue du Roi Albert et la Place Léopold II et tout dernièrement le pont Martin Gray. Les noms de rues permettent ainsi de lire l’histoire d’une ville. Le manque de parité hommes/femmes dans les noms de rues est symbolique de l’effacement de la mémoire collective. Or, des femmes ont marqué l’histoire de Ciney, du namurois ou de la Belgique. Rien qu’en cherchant un peu sur le net ou au cercle historique de Ciney, on trouve au moins, pour la période des deux guerres mondiales, trois femmes qui ont activement participé à la résistance et cinq femmes Justes parmi les Nations qui ont sauvé des juifs pendant la guerre . Vouloir rétablir la parité des noms de rues est certes une prise de conscience féministe. L’idée n’est pas de gommer la réalité du passé qui a effectivement mis les héros du passé à l’honneur mais de mettre symboliquement à l’honneur les femmes qui ont œuvré pour un monde meilleur, de faire apparaître que l’émancipation des femmes dans la littérature ou les arts, dans le domaine des sciences, dans le domaine politique ou militant existe, même si elle est récente à l’échelle de l’histoire. Si l’on vous pose la question ou si on la pose à nos citoyens et citoyennes sur les femmes qui ont marqué notre histoire, peu de noms de femmes leur viennent à l’esprit. Et c’est normal car « Pour être reconnues, il faut être connues, et pour être connues, il faut être vues ». Nommer des noms de rues féminins, et féminiser l’espace public, c’est important  :

  • Car l’invisibilité des femmes dans l’espace public est une forme de violence symbolique. C’est un cercle vicieux dont on ne sort pas.
  • Pour le besoin de projection et d’identification des filles et des femmes
  • Pour rappeler aux garçons que les femmes sont fortes et sont des héroïnes
  • Pour la construction identitaire de notre ville qui se veut ouverte, inclusive et hospitalière
  • Pour le rétablissement de la mémoire collective et la reconnaissance des femmes qui le méritent

La vraie priorité, à savoir rendre confiance aux femmes et leur donner les outils pour se réaliser dans la société, va certes bien au-delà des noms de rues. Corriger les comportements paternalistes, corriger les freins à l’entrepreneuriat féminin vous paraissent certainement des chantiers prioritaires. Mais tout est lié. Notre société doit constamment et dans toutes ses actions agir dans la parité homme/femme. Lorsque l’on organise des soirées sur les métiers dans les écoles, lorsque l’on propose des aménagements sportifs, lorsque l’on crée de nouveaux quartiers, lorsque l’on attribue des budgets à des associations, lors de la programmation théâtrale ou sportive, lors de la création d’une crèche, ou d’un club service etc.. Jusqu’au jour où le réflexe sera bien installé. Ecolo Ciney  propose donc de commencer par la féminisation de l’espace public cinacien en adoptant cette motion et :

  • de profiter de l’aménagement de nouvelles rues (notamment dans les ZACC) pour les attribuer à des noms de femmes,
  • d’établir sur un mode participatif citoyen une liste de noms de femmes
  • d’attribuer des noms de femmes à des lieux non encore nommés (bâtiments, lieux sportifs ou culturels, place, salles, etc.).
  • et de concrétiser rapidement la motion en débutant avec des endroits situés au centre ou dans les villages comme par exemple la piste d’athlétisme; la salle du village place du Baty, etc. tout comme la commune a donné en 2016 le nom de Martin Gray au pont situé au-dessus du Chemin de fer, ou comme l’école de la Providence a dédié deux de ses sept espaces à Marie Curie et Cécile Ansotte.

Ecolo Ciney ne propose pas de supprimer des noms d’hommes ou de remplacer des noms d’hommes par celui de femmes, ni de diminuer l’importance de ces hommes dans notre histoire. Il s’agit bien ici d’égalité. Dans un mois exactement, c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Voter cette motion nous semble une bonne manière de préparer cette journée. Retrouvez ici le texte intégral de la motion.

Portée Par Valérie Van Heer au conseil communal du Lundi 08 Février, cette proposition a été estimée non prioritaire par la majorité ! « Cette proposition est une manière d’aller de l’avant, de rendre visible la place et le rôle des femmes dans notre espace public, de manière progressive et participative, pas de manière coercitive », explique-t-elle. « Il s’agit de rappeler que la vie locale ne se structure pas exclusivement sur un seul genre, le masculin, qui l’emporte systématiquement contribuant ainsi à rendre plus difficile l’affirmation des femmes et des jeunes filles ». « La place des femmes, et des noms de femmes pour les rues, ça coule de source ! Nous y penserons, mais ce n’est pas prioritaire. » répond en substance le Collège, qui rejette la motion, tout comme le groupe MR. « Par la voix du bourgmestre, commente François Bouchat, chef de file des Verts, le Collège s’est engagé à être attentif à privilégier l’octroi de noms de femmes aux futures rues et aux futurs espaces publics. Mais que valent ces paroles pour l’avenir lointain, alors qu’un engagement formel au conseil communal aurait permis de l’acter ? Il est regrettable que lorsqu’une proposition, précise, documentée, peu contraignante et à si forte portée symbolique est amenée par Ecolo, elle soit rejetée. » Cette invisibilité de fait des femmes dans les rues de Ciney permet d’ailleurs au bourgmestre de dire qu’il n’y peut rien s’il n’y a pas de femme illustre dans le passé cinacien… Mais, nous l’affirmons !, ces femmes existent : elles sont juste systématiquement invisibilisées ! Nous comptons par exemple plusieurs femmes reconnues « Justes parmi les Nations », pour avoir caché des enfants juifs pendant la guerre. Pour Ecolo, l’égalité et la lutte contre les discriminations reste une priorité. C’est pourquoi nous fixons d’ores et déjà rendez-vous en mars à tous les Cinaciens, hommes et femmes, pour une découverte des lieux à Ciney qui témoignent de la « place », parfois tragique, des femmes dans notre cité. Les infos pratiques suivront, tout bientôt !